Légende d'Hëndor Den'Arsil
[Je recommanderais de vous reporter à l'inventaire et/ou aux possessions d'Hëndor au long du récit lorsque vous rencontrez un personnage ou un objet important inconnu jusqu'alors, sauf pour Marcel Ravidat qui n'est qu'un clin d'oeil.]Chapitre 1Notre histoire commence il y a de cela 72 ans, dans le cadre bucolique d’un village non loin de Port Ival réputé pour sa maison close et l’éclectisme de ses filles de joies. On croisait là bas nombre d’aventuriers en quête de plaisirs et de sensations entre deux récits légendaires. Les caisses des tavernes étaient pleines, les bourses des clients vides, le commerce de Borr d’Hell était florissant. Il y régnait une ambiance sympathique et calme, renforcée par le charme des lames de la milice qui y était particulièrement efficace. C’était un soir de mai, le vent marin était venu s’engouffré dans les côtes, apportant son lot d’embruns et de senteurs marines. La brise maritime venait caresser l’artère principale du village, étirant ses bras intangibles jusque dans les ruelles boueuses qui s’étendaient entre les demeures. Le vent, vigoureux, vint balayer la chevelure tressé d’un visage aussi noir que les cornes du diable et celle violacée d’une jeune métisse aux oreilles pointues étendue parterre dans la gadoue, le regard apeuré fixé sur l’homme. L’homme était une véritable montagne de muscle, torse nu, pantalon de toile, la peau aussi noire que son visage, une hache dans le dos dont le tranchant faisait miroiter les lumières chancelantes de la nuit. Ses traits étaient déformés par la haine et le dégoût et son regard emplis de mépris semblait assassiner la belle prostituée étendue à ses pieds. Il vociféra en faisant craquer les jointures de ses doigts, s’adressant à l’hybride gisant devant lui qui l’implorait du regard.
« Une catin ne peut pas être mère, comment oses-tu prétendre avoir eut un enfant de moi ! Je n’ai pas d’enfant et n’en aurais jamais tu m’entends ?! Je suis venu pour tes cuisses, pas pour une quelconque paternité ! Tu vas garder ton bâtard pour toi et toi seule ma jolie, jamais il ne sera mon enfant, essaye encore de l’insinuer et je te couperais les oreilles et te crèverais les yeux, tu n’en as pas besoin pour te faire fourrer ! »
La prostituée resta silencieuse en baissant le regard, une larme lui échappant, roulant sur sa joue, avant de venir s’élancer du menton pour s’éclater plus bas sur le sol boueux. C’était son premier enfant, mais sa condition, entre le prix qu’elle payait à l’aubergiste pour pouvoir officier à la taverne, celui qu’elle donnait aux gardes pour une protection qui se révélait bien futile actuellement et la concurrence des autres filles de joie, ne pouvait pas lui permettre d’assumer seule plus longtemps son jeune enfant d’aujourd’hui deux années. La prostituée, du nom de Néliana, ne parvenait plus à joindre les deux bouts et elle avait vu le retour providentiel du père, un ancien client d’un soir, comme un signe des dieux. Elle s’était alors précipité, le suppliant de l’aider, en appelant à sa fibre paternelle, mais n’avait réussi à ne réveiller que le dégoût de l’homme pour sa progéniture.
Voilà donc comment la situation en était arrivée là, Hector Boulanger, bandit célèbre, avait repousser les avances de la belle, refusant de vider pour elle d’autres bourses que celles dont il était doté depuis la naissance. Le brigand s’avança vers la catin, bien décidé à la passer à tabac pour qu’elle ne réessaye pas de l’attendrir avec ce rejeton lorsque trois gardes de la milices apparurent au bout de la ruelle. L’un d’eux prit la parole d’une voix rauque, mais sûr de lui, sachant pertinemment que rares étaient ceux qui s’opposaient à la milice de Borr d’Hell. Il avait reconnu l’une des prostituées de l’auberge non loin qui payait le forfait de protection. Autrement il ne serait peut être pas intervenu, tout se monnayait dans ce village, même la vie.
« Néliana ? Ce sir t’importune ? » dit il simplement alors que la belle se relevait précipitamment, glissant entre les doigts du filou à la peau d’ébène pour venir se cacher derrière les gardes alors qu’Hector jurait, ne pouvant pas régler ses comptes dans l’immédiat. Il se pencha pour faire une révérence à la garde, volontairement exagérée afin que les gardes remarquent bien l’épaisse arme qui reposait dans son dos.
« Messires, personne n’importunait personne, je ne faisais que soulager ma vessie lorsque j’ai croisé Néliana que je connais de longue date, nous discutions simplement, mais je pense que je vais désormais disposer si vous le voulez bien… » Les gardes se regardèrent, se comprenant les uns les autres, aucun d’entre eux ne chercherait le combat, ils risquaient d’y perdre la vie. Ils laissèrent donc l’homme partir dans les ténèbres, accompagnant de leur coté la prostituée qui peinait à se remettre de ses émotions.
Quelques jours plus tard elle avait disparu avec ses maigres possessions. Aucun habitant ne sut dire si elle était parti de gré ou de force, en vie ou mourante, mais certains dirent qu’elle été allé refaire sa vie à la capitale, loin des soucis qui s’accumulaient à Borr d’Hell, laissant son enfant esseulé dans les combles de la taverne qui lui servait de logis. Le-dit bambin n’était pas idiot pour son âge et malgré l’ordre de sa mère de rester caché il ne mit pas plus de quelques heures avant de descendre, guidé par son estomac inlassablement vide. Le garçonnet avait la peau de son père et les yeux de sa mère, mais rien ne semblait trahir son ascendance elfique. Le tavernier qui n’était pas un mauvais bougre le prit sous son aile, le faisant travailler durement dès son plus jeune âge pour lui faire payer son pain. Très vite le gamin se trouva à s’occuper des montures de l’écurie ou à nettoyer le sol de la taverne sali par les bottes boueuses des voyageurs. Au fil des années, il devint la mascotte du village, sa bonne bouille réveillant l’instinct maternel des prostituées et des danseuses qui l’érigèrent en coqueluche. Il se baladait partout dans le village, mue par une curiosité naturelle. Il vit des gens mourir, de maladies, de combat comprenant la fragilité de la vie d‘une manière trop précoce. Il vit aussi très tôt la nudité, s’y habitua très vite et chercha la compagnie des femmes qui l’avaient presque élevé dès qu’il sut ce qu’était l’attirance physique. Il apprit à accorder beaucoup d’importance à l’apparence, se rendant compte que le jugement des autres en dépendait beaucoup. Son enfance et sa jeune adolescence, dures tout de même, ne furent pas malheureuses pour autant, les labeurs étaient difficiles, il n’avait pas d’éducation, mais il était libre, ne se sentant entravé par rien ni personne.
Vers ses quatorze ans un homme d’un âge plus que mûr vint s’installer au village, venant jouir de ses dernières années de vie entouré par les belles prostituées de Borr d‘Hell, dans le luxe et l’opulence qu’accordaient la fortune. Le village lui témoignait respect et déférence, l’appelant Sir ou Monsieur, Hëndor les imitait bêtement, ayant appris depuis longtemps à suivre les mœurs du village. Monsieur était un homme riche et bien conservé malgré son grand âge pour un humain et l’adolescent à la peau de charbon apprit bien vite qu’il s’agissait d’un ancien chasseur de trésor reconverti dans le commerce d’objets magiques. L’orphelin qui avait acquis malignité et bon instinct fit en sorte d’entrer dans les bonnes grâces du marchand, commençant à se lasser de son quotidien d‘homme à tout faire. Le marchand, Ska’Fandra Odeux, ancien aventurier, prit effectivement le jeune garçon sous son aile, profitant de sa retraite pour transmettre à l’enfant dégoulinant d’attention pour le vieil homme, son savoir. Ainsi Hëndor apprit à lire et à gribouiller quelques mots, mais l’homme ne comptait pas en faire un savant, préférant lui apprendre des astuces pour sa survie future, sachant sa propre fin proche. Odeux se plaisait à lui raconter ses aventures qui étaient nombreuses, de la fois où il affronta un sangorn à celle où il vola un œuf de bjork, en passant par de nombreux combats et des quêtes tout aussi nombreuses. Hëndor petit à petit vit en lui un modèle d’existence, cet homme semblait tout avoir vécu, tout connaître, cela rendait l’adolescent admiratif. Leur relation était réellement privilégiée.
Puis par un matin brumeux de septembre, alors que l’aube commençait paresseusement à vaincre l’obscurité, Ska’Fandra mourut, partant pendant son sommeil. Hëndor était déjà conscient du caractère éphémère de la vie, mais cette mort le marqua plus que les autres et il se jura de vivre une vie au moins aussi palpitante que celle d’Odeux. Le jeune noir avait alors seize années de vie derrière lui. Pour la première fois il dut faire le deuil d’une personne qui lui était chère, mais la vie ne lui facilitant pas les choses il dût faire face à un imprévu. Quelques jours à peine après la mort du marchand, alors qu’Hëndor se morfondait dans la battisse du défunt que les rires des catins n‘égayaient plus, une caravane s’arrêta en ville. Une femme, hideusement grasse, bariolée de mille fanfreluche et grimée à l’extrême par trop de maquillage descendit alors de l’une des carrioles, carriole qui ressemblait davantage à un splendide carrosse et se présenta comme étant la fille d’Odeux. Le vieillard parlait rarement de sa fille, mais Hëndor connaissait son existence, sachant qu’elle vivait habituellement à la capitale en jouissant de la fortune de son père. L’orphelin savait pertinemment ce que sa venue signifiait, il allait être jeté comme un malpropre, après tout qu’était il ? Pas même un vagabond, juste un bâtard sans père ni mère, parents disparus dont il ne connaissait encore que les noms et visages. Il tenta de préparer un bagage, prenant dans le coffre de l’homme tout ce qu’il pouvait et essaya de s’enfuir, mais il fut intercepté par un des hommes accompagnant la grosse dame et tout lui fut confisqué alors qu’il était jeté dans la boue dans laquelle il avait passé son enfance. Tout ? Non… un anneau avait échappé à la fouille de l’homme, glissant par un trou dans la poche de sa chemise de toile, restant accroché par un maigre filin. Alors qu’il se relevait, salit par la boue de la rue il serra l’anneau dans sa paume et prit ses jambes à son cou, ne voulant pas se le faire confisquer comme tout le reste.
Hëndor examina l’anneau, il connaissait la plupart des objets de Ska’Fandra, celui-ci se plaisant à les lui montrer et à en expliquer les effets. Il reconnut tout de suite l’anneau par sa gravure, « Vous n’aurez plus jamais le souffle coupé avec Odeux… », mais sur le moment sa capacité ne lui revint pas en mémoire. Tant pis, il avait d’autres préoccupations et en se passant la bague au doigt il quitta le village comme l’avait fait sa mère avant lui, sans un adieu. Une nouvelle vie commençait.
Chapitre 2« Oui j’ai parcouru le monde mes jolies, j’ai vu les anges, les démons, des bêtes plus féroces les unes que les autres, j’ai vu le bout du monde, le visage des dieux, je suis monté sur le sommet des nuages et je suis descendu dans les entrailles d’etheria… Alors lequel de ces jolies minois aura le privilège de dormir avec un héros ? »
Déclama Hëndor, souriant avec prétention devant un parterre de jeunes fermières crédules. Bien sûr tous ses racontars n’étaient que, et bien que des racontars justement, tout ce qu’Hëndor avait découvert depuis qu’il était parti de son village natal c’était la joie des ampoules aux pieds et le plaisir de ne plus avoir de toit. Il n’avait pas fier allure dans ses vêtements de toile miteuse, salis par les kilomètres et les intempéries, mais à voir le regard admiratif des femmes rurales qui l’avaient trouvé dans une botte de foin entrain de faire une petite sieste salvatrice cela n’avait pas d’importance. L’éphèbe noir avait parcouru la distance séparant port Ival de Scinia sans trop d’encombre malgré un voyage usant et fatigant pour qui n’avait jamais voyagé. Finalement il avait atterri là, dans un champs avoisinant la capitale humaine, trop fatigué pour faire un pas de plus et avait élu refuge dans l’étreinte relativement confortable du foin. Habitué à la compagnie des femmes depuis son plus jeune âge il ne choisit pas celle qui avait le plus joli sourire ou les plus belles lèvres, mais celle dont les hanches semblaient les plus accueillantes et congédia les autres, entraînant l’élue dans le foin avec lui. Les autres femmes, toute entière à leur susceptibilité allèrent sans plus tarder chercher les hommes du village et particulièrement l’époux de la belle rouquine choisie par Hëndor.
Devant la nouvelle d’un étranger cherchant à voler le foin et les femmes, les hommes prirent leurs fourches et leurs bâtons pour chasser l’imprudent sans plus tarder. Pris sur le fait le vagabond ne put que prendre une nouvelle fois ses jambes à son cou, pourchassé par une horde de paysans coléreux. Il courut, courut encore et courut toujours, sans parvenir à semer les villageois, ses jambes lourdes ne parvenant plus à le porter assez vite pour échapper à la fureur rurale. Sans qu’il ne s’en rende compte le terrain grimpait doucement jusqu’à ce que finalement Hëndor n’atteigne le sommet de ce qui s’apparentait à une colline, les paysans sur les talons. Il fut alors face à un précipice, une rivière ayant eut la sotte idée de serpenter entre les flancs de la colline, la coupant en deux, coulant doucement en contre-bas, à une quinzaine de mètres. Hëndor n’eut pas le loisir de réfléchir et de jauger les risques, reculant de quelques pas il prit son élan et sauta par dessus le précipice, battant magistralement des bras et des jambes pour atteindre l’autre rebord alors que les poursuivants retenaient leur souffle devant un tel exploit. Comme au ralenti, l’orphelin franchit le vide avant de se raccrocher à la terre meuble de l’autre coté de la ravine, poussant un grand ouf de soulagement. Soulagement qui fut de bien courte durée car sa prise s’estompa entre ses mains, alors qu’il se sentait basculer dans le vide, tombant pitoyablement dans l’eau quelques mètres en dessous, heureusement sans trop de mal.
Battant furieusement des bras et des jambes pour remonter à la surface sans succès, emporté par le courant, Hëndor crut mourir, en proie à la panique, avant de finalement se rendre compte qu’il ne suffoquait pas, qu’il était tout à fait capable de respirer. Une fois le choc passé, il tenta de se raccrocher à un rocher pour pouvoir réfléchir posément. Ainsi si un voyageur péchait non loin il pouvait voir l’étonnante image d’un homme plus noir que la nuit accroché à un rocher sous l’eau, la mine apparemment soucieuse. En même temps qui ne serait pas soucieux en découvrant des compétences incroyables alors qu’il attendait la mort. Soudain il eut un flash, son anneau ! Mais c’était bien sûr, l’anneau de papy Odeux, celui qui permettait de respirer sous l’eau, Ska’Frandra lui en avait pourtant parlé longuement en racontant l’une de ses aventures ! Profitant de cette capacité inopinée Hëndor parvint à s’extirper des eaux bouillonnantes de la rivière, échouant sur une plage d’une terre sombre pour se remettre de ses émotions. Il prit l’anneau entre ses doigts et remercia sa bonne étoile. Il eut alors le déclic qui fut à l’origine de sa passion: les objets magiques apportaient renommé et aventures, de quoi donner un sens à sa vie… C’était décidé il serait comme Odeux, Chasseur de trésor !
Mais avant de partir à l’aventure il devait s’équiper. Oubliant l’incident des paysans il se dirigea vers la Capitale, emplis d’une nouvelle vigueur et fit mille travails pour accumuler un peu d’argent et commencer à écrire sa légende.
Chapitre 3 Quatre ans s’étaient péniblement écoulé depuis l’incident de l’anneau. Hëndor n’avait depuis ce jour pas mené la belle vie dont il rêvait, l’argent rechignant à s’accumuler, dévoré par les taxes et les impôts. Il s’était donc résigné à voler et à dépouiller ça et là quelques passants, abandonnant son travail à la taverne, commençant à détester la vie banale qu’il menait. Voler lui apportait une excitation qu’il ne connaissait pas, au moins aussi intense que celle apportée par le plaisir charnel, l’excitation de savoir sa vie en jeu, quand il se battait, l’excitation de risquer d’être pris sur le fait, l’excitation de défis plus grands, de vols plus ambitieux. Finalement le vol lui avait apporté en quelques mois l’argent que l’honnêteté l’empêchait d’acquérir. Il avait pu avoir l’équipement qu’il cherchait, une armure de cuir et de fer simple, une épée, un bouclier, un casque et des bottes et le voilà finalement parti sur les routes sans plus de préparation, se fiant à ce que lui avait appris son défunt mentor.
Il partit sur la piste d’un artefact que les rumeurs récoltées à la taverne depuis quatre ans disaient conservé dans les ruines d’un château d’un chevalier déchu. Ne croyait pas que cette quête lui fit oublier l’adrénaline apporté par le vol, car c’est bien loin d’être le cas. Bien au contraire, de voleur il se fit brigand, suivant sans le savoir les traces de son père. Il écuma ainsi les voyageurs solitaires le long de la route menant au château qui se trouvait au sud Du Temple. Le nouvel hors la loi, qui ressemblait de plus en plus à son père physiquement, accumula ainsi une quantité de babioles inutiles, des capes, des coussins brodés, trois montures, deux services de cuillères en argent, une tente, un piège à loup, quatorze silex pour allumer le feu, quatre carte du pays, cinq chèvres et deux moutons et tant d’autres gadgets dont il n‘avait l‘utilité. Il arriva enfin devant les ruines du dit château et installa son bivouac au pied de l’ancien donjon presque intact, sans se douter que les voyageurs qu’il avait dépouillé commençait à répandre son nom.
Le lendemain alors qu’il s’était endormi sur un lit de coussins brodés, il entreprit d’explorer les environs pour chercher une trace de l’artefact. Mais il ne savait pas s’y prendre, c’était évident, il perdait son temps à observer timidement des ruines sans savoir comment réellement attaquer. Les jours s’égrenèrent sans qu’il ne trouve rien, mangeant tantôt l’une des chèvres, tantôt un mouton, puis un jour il commença à perdre patience. C’était un jour comme les autres, alors que le soleil terminait sa route dans le ciel légèrement nappé du blanc écumeux des nuages, Hëndor avait passé sa journée à fouiller inlassablement le pied d’un des murs d’enceinte sans trouver d’autres choses que des armes rouillées et des restes carbonisés de ce qui semblait être une écurie. En fin d’après midi, excédé de tourner en rond il décida de prendre la hauteur pour examiner le site de fouille dans sa totalité. Le donjon lui sembla un excellent choix, mais celui-ci ne possédait plus d’escalier permettant l’accès à son sommet. À l’époque Hëndor n’avait aucune compétence d’escalade, mais il était ingénieux. Il noua les capes entre elles et fixa l’une des extrémités de cette corde improvisée au piège à loup. Il essaya alors de lancer le tout comme un grappin, mais ne parvint à l’accrocher qu’à mi-hauteur, au niveau d’une meurtrière éventrée. Tant pis, il s’en contenterait et inaugurerait aujourd’hui la grimpette. Après une demi-heure de pénible ascension, il parvint au sommet de la tour. De là il avait un panorama exceptionnel sur les plaines environnantes. Il voyait de là un petit lac, derrière le lac un bois, derrière le bois une clairière et dans cette clairière une petite battisse de pierre, apparemment sculptées si l’alpiniste d’un soir en croyait sa vue. Intrigué il se fit la promesse d’aller voir la dite battisse dès le lendemain étant trop fatigué pour cumuler la descente à l’exploration immédiate.
Le lendemain, il se leva avec les cris de la dernière chèvre dès l’aube et après avoir cuisiné un bout du dit animal se mit en route vers l’étrange construction de pierre. Celle-ci se révéla être un tombeau, celui de la famille Du Maathyn, une famille de chevalier selon l’épitaphe. Le tombeau était encerclé de quelques tombes en ruines. Hëndor tenta de passer la porte du tombeau et y parvint au prix de quelques efforts. Les rayons du soleil s’engouffrant dans le caveau laissaient voir la poussière, les cercueils et les bas-reliefs. Certains de ces derniers semblaient plus récents que les autres, contant la légende du dernier Du Maathyn, Brouyar l’embrumé. Ils indiquaient comment il avait tragiquement tourné, mais cette tragédie était de bon augure pour notre chercheur de trésor, car l’une des dernières images évoquaient les Cornes de Brouyar aux pouvoirs surprenants. Aussitôt, faisant fi de la mémoire des défunts, Hëndor se précipita sur le cercueil lui semblant le moins vieux et le moins usé par le temps pour l’ouvrir avec sa rapière. Sa joie fut immense lorsqu’il parvint à l’ouvrir, non pas parce ce qu’il se trouvait face à un cadavre décrépi, mais parce que le dit cadavre tenait dans sa main squelettique une corne de taureau. La même qu’évoquaient les bas reliefs. Certes il manquait la seconde corne, mais Hëndor était trop heureux d’avoir découvert son premier objet qu’il n’en avait cure. Curieux, il souffla dans la corne et ne parvint qu’à en extraire un épais nuage de poussières et de cendres, ne faisant que s’étouffer. Il sortit du caveau pour retourner à l’air pur, la face noire blanchie par la poussière et tenta à nouveau de souffler, avec succès cette fois, faisant se lever un brouillard si épais qu’il était forcement provoqué par la corne, il ne pouvait s’agir d’une coïncidence. Alors tout guilleret Hëndor repartit vers Scinia pour de nouvelles aventures, abandonnant sans remord tout son fatras derrière lui avec une chèvre à moitié cuisinée.
Chapitre 4De nombreuses fois Hëndor partit sur de fausses pistes, mais à quoi bon ternir sa légende de récits d’aventures ratés. Il se passa dix ans avant qu’il ne soit à nouveau sur une piste sérieuse, il avait alors trente ans. Finit le temps du vagabondage, il était expérimenté et avait meilleure allure que lors de ses premières années. Il courait après le temps, craignant de mourir, cherchant toujours plus de sensations. Il était maintenant sur la piste d’une armure qui avait marqué son siècle lors de sa découverte avant qu’elle ne soit perdue il y a cinq cents ans. Hëndor avait remonté la piste en partant d’une information sûre d’un ami Faranois et avait parcouru tout le continent humain d’Ival à Runith en passant par Nocturnia la sombre et Le Temple la lumineuse, fouillant, récoltant les informations, dépoussiérant les bibliothèques et les bibliothécaires, fouinant ça et là avec la patience de l’expérience, pour finalement après plusieurs mois sentir l’étau se resserrer, la piste s’affiner, les informations gagner en épaisseur et en contenu.
Ses pérégrinations l’avaient mené à croire que l’armure sommeillait au fond des mers de l’ouest, non loin du pied des îles divines d’Asuria, sous l’ombre de leurs majestueuses pierres flottantes. Alors, après avoir recoupé plusieurs récits de l’époque il mit en évidence une information plus qu’utile. En effet, dans l’une des bibliothèques sciniennes, dans laquelle il avait pénétré de nuit afin de pouvoir feuilleter les ouvrages sans contraintes, il avait découvert des ouvrages datés de la bonne époque et des plus intéressants. L’un d’eux tout particulièrement semblait être un don du ciel, il recueillait plusieurs contes du siècle qu’il cherchait et plusieurs semblaient parler de la légende du Grazz Maathiner et de son armure. Ainsi en feuilletant le livre ancien, il découvrit au travers des vers d’un poème médiocre que l’armure était exactement sous la Citadelle, dans les flots bruyants de la mer en contre bas. Sans plus tarder, il fit affréter un bateau dont les matelots étaient à l’image de leur navire, petit et crasseux et avec ce fin équipage il partit en mer alors que l’été pointait le bout de son nez d’une manière frileuse. Portés par des vents favorables l’équipage mené par notre téméraire héros ne tarda pas à arriver sur les lieux de la légende. L’image des îles d’Asuria flottant gracieusement au dessus de l’océan était simplement splendide, défiant l’imagination la plus foisonnante.
Pressé de découvrir l’artefact qu’il cherchait depuis des mois, Hëndor ne tarda pas à plonger, s’en remettant aux pouvoirs de son anneau, presque nu et avec pour seule arme un coutelas. Il fut frappé par la fraîcheur de l’eau et dans un tumulte de bulle il commença à s’enfoncer dans les profondeurs, ses cheveux longs lui faisant une étrange couronne. Avec les mètres, la lumière, la température et le coté plaisant de la baignade allaient en diminuant, mettant à jour tous les défauts du plan de notre aventurier, là où il allait il n’y aurait à priori aucune lumière et ça il n’y avait pas pensé. Par chance le sol marin n’était pas aussi obscur qu’il se l’était imaginé, en effet, il était recouvert d’un lit d’algues microscopiques, mais luminescentes. Le halo de ces plantes nappait le sol marin d’une lumière tamisée, accentuant l’ambiance oppressante des lieux.
Hëndor fouilla les environs sans trouver signe quelconque d’une armure, le poème était il tronqué ? Pour y réfléchir il alla s’asseoir sur un rocher recouvert d’algues non loin, espérant ne pas avoir fait le déplacement pour rien. C’est alors qu’il remarqua que depuis tout à l’heure il n’avait pas vu un seul poisson, pourtant il avait entendu ça et là que les fonds marins foisonnaient de vies, toutes plus mystérieuses les unes que les autres. Décidant de se concentrer sur sa recherche actuelle et d’oublier les poissons, il se leva pour faire mûrir sa réflexion, ses gestes ralentis par le poids des eaux. Il se mit alors à marcher pour désengourdir ses muscles et les réchauffer. Il commença à faire les cent pas, perdu dans ses pensées, tournant en rond, jusqu’à ce qu’il ne vienne buter contre le rocher et tomber comme au ralentis, trébuchant sur le monticule lumineux pour venir mordre le sable juste derrière, soulevant un voile de sédiment. Lorsqu’il se releva il remarqua un éclat sur le rocher, il s’approcha et vint frotter un peu les algues le recouvrant pour dégager la présumée pierre en dessous. Quelle ne fut pas sa surprise quand il découvrit que ce qu’il avait prit pour un rocher se révélait en réalité être l’artefact perdu qu’il recherchait. S’il n’avait pas été sous l’eau il aurait sûrement pousser un cri de joie, mais tant de temps perdu pour rien !
Après avoir dégagé toute l’armure il se rendit bien vite compte qu’un nouvel obstacle se dressait sur sa route, il serait bien incapable de franchir les quelques centaines de mètres le menant à la surface avec ça sur le dos, il devait trouver une solution. Il tenta tout d’abord de remonter les différentes pièces de l’armure à la surface, mais cela se révéla aussi être une entreprise trop difficile sur plusieurs centaines de mètres. Au bout de plusieurs heures il se rendit compte qu’il n’avait guère le choix. Il remonta alors à la surface pour avertir les marins de son plan, puis retourna sans plus tarder au fond de l’eau pour profiter des quelques heures de plongée lui restant pour commencer à le mettre à exécution. Son plan était simpliste, mais de longue haleine, celui-ci consistait à enfiler l’armure pour se prévenir de la plupart des prédateurs et de marcher droit vers la côte la plus proche en espérant que la pente menant à la surface ne serait pas trop raide; Cela serait long et épuisant, ne pouvant plonger que tous les trois jours, cela lui coûterait cher de prolonger la location du bateau, mais qu’importe il aurait cette armure !
Il s’en suivit alors des semaines d’aller retour surface-profondeur et pleine mer-port pour le ravitaillement, petit à petit il se rapprochait des côtes, l’équipage le prenant pour un illuminé, mais tant qu’il payait, il ne poussait pas la réflexion plus loin. Finalement après presque deux mois de cette entreprise éreintante Hëndor avait la peau plus fripée que les fesses d’une vieille dame et le derme plus boursouflée par endroit que certains marchands grassouillets, nuisant gravement à sa beauté naturelle, il espérait bien que cela s’estomperait avec le temps, mais au moins la côte était en vue ! Enfin il voyait le bout de son labeur. Lors de l’un de ce qui aurait du être les derniers jours de plongé, Hëndor ne remonta pas des profondeurs maritimes au bout des vingt-quatre heures habituelles, semant la panique sur le bateau, voilà une semaine qu’il n’avait pas été payé, leur employeur n’avait pas le droit de mourir ! Ils attendirent désespérément plusieurs jours avant de se résigner à rentrer au port, abattu par la perte de tant d’argent, se contrefichant de la mort éventuelle d’Hëndor pour d’autres raisons.
En réalité Hëndor n’était pas mort. Depuis le temps qu’il plongeait il n’avait guère vu de poissons, cela l’avait toujours intrigué, mais aujourd’hui il avait eut la réponse à une telle absence inhabituelle. Au dessus de sa tête nageait la silhouette immense et monstrueuse d’un rôdeur des abysses. Il n’avait jamais vu une telle créature, ni même entendu parler d‘elle, il ne put que rester tétanisé devant une telle horreur tentaculaire. Rien de bien étonnant que les poissons la fuyaient, si Hëndor avait eu des nageoires nul doute qu’il en aurait fait de même. La bête devait rôder dans les environs depuis quelques temps et les poissons s’étaient planqués pour ne pas finir en sushi, le poulpe géant était sûrement arrivé en même temps qu‘Hëndor dans le secteur. Soudain la bête fit volte face malgré ses plusieurs tonnes, ses yeux globuleux scrutant le sol sableux. Il finit par repérer l’aventurier avec son regard méchant et on aurait presque put lire une lueur sadique dans ses yeux. Aussitôt notre chasseur de trésor tenta de prendre ses jambes à son cou, se doutant que son coutelas ne pourrait guère rivaliser avec ses crocs. Paraissant rire de la lenteur de l’humain le rôdeur prit son temps, avançant avec une lenteur orgueilleuse vers sa proie. Ce que l’animal ne pouvait pas savoir, c’est qu’Hëndor ne courrait pas en vain, il avait repéré à quelques mètres un trou trop étroit pour la bête qui pourrait bien lui servir de protection de fortune s’il parvenait à l’atteindre. Hëndor était incapable d’expliquer la lenteur de la bête, peut être était elle seulement curieuse comme ses confrères poulpesques ou bien, trop sûre de sa victoire, elle se laissait aller à quelques préliminaires de chasse ou peut être encore un peu des deux. Qu’importe la raison, mais ce fut ce qui sauva le chevaucheur de brume d’une triste fin.
Après de durs efforts pour se mouvoir aussi rapidement que possible il parvint à se précipiter dans le tunnel étroit. Le prédateur, se rendant compte du haut de sa stupidité animale de la tromperie de l’homme tenta de le happer avec ses tentacules, l’une d’elles s’immisçant à la suite de notre héros dans le tunnel. Dans un geste de défense, Hëndor taillada l’immense membre flasque, répandant un sang épais et sombre dans l’eau obscure. Ici, dans le tunnel, il n’y avait aucune lumière, heureusement le casque d’Hëndor, trouvé avec l’armure lui permettait de voir dans le noir comme en plein jour. Il put donc s’enfoncer sans risque dans les méandres de ce qui s’annonçait comme une grotte sous marine. Alors qu’il se croyait sorti d’affaire, il vit une ombre passait au loin dans l’eau, comme un immense serpent, ombre qui ne tarda pas à lui foncer dessus, venant percuter l’humain, une Sirvienne. Une lutte nouvelle commença alors, l’animal ne parvenant pas à percer l’armure, tandis qu’il ballottait sans retenu l’intrus dans tous les sens. Hëndor, avec l’énergie du désespoir, plantait encore et encore son coutelas dans la chair élastique de la bête, son sang troublant l’eau limpide. Finalement la bête le projeta contre une parois, le plaquant contre le mur, faisant sombrer Hëndor dans l’inconscience. Heureusement pour lui la bête mourut presque aussitôt des suites de ses blessures.
Quelques heures plus tard notre ami se réveilla avec un mal de crâne immense, il devait faire vite, il savait que les capacités de son anneau toucheraient bientôt à leur fin, mais l’inconscience lui avait fait perdre toute notion du temps. Il quitta alors l’armure aussi rapidement qu’il le pouvait, faisant fi des éventuels prédateurs, mais perdant de ce fait sa capacité de nyctalopie. À l’aveuglette donc il nagea à toute vitesse, longeant une parois et parvint par chance à trouver la surface au bout de quelques secondes. Dans l’obscurité la plus totale il s’étendit sur une petite plage de galet fin pour se reposer quelques peu et tant pis si il y avait encore des prédateurs, il avait eu son compte pour le moment. Il ne sait pas combien de temps après il se réveilla, mais il avait une faim de loup, à tâtons il tenta de trouver de la nourriture dans la grotte obscure et tomba après quelques poignées de minutes sur des champignons muraux qu’il engouffra dans sa bouche sans précaution aucune. À peine quelques minutes plus tard il était entrain de les vomir, c’était noté, les champignons n’étaient pas digestes. Il se résigna alors à retourner à l’eau malgré son affaiblissement. Bien sûr son anneau n’était pas encore rechargé, mais il devait absolument retrouver son casque afin de voir dans l’obscurité. Il plongea alors, tâtant le sol peu profond, remontant sans cesse pour reprendre son souffle. Au bout d’un quart d’heure de recherche ses poumons étaient en feu et sa tête commençait à vriller, mais quand bien même il persista. Enfin il retrouva l’armure et parvint à défaire le casque. Il remonta alors ivre de joie et chercha la plage en enfilant le casque.
Il eut alors une première hallucination, effet indésirable et inconnu alors de son casque, il crut voir une silhouette de femme à la peau halée lui faire de grands signes. N’y croyant pas il s’extirpa de l’eau et se mit à s’approcher de la femme qui reculait sans cesse, mais il la poursuivait toujours, sans trop savoir pourquoi. Il découvrit la grotte par l’intermédiaire de cette femme fuyante et dans une grande salle traversée par une rivière la femme disparu. Intimement Hëndor connut alors le surnom de cette femme qui lui réapparut souvent par la suite dans la grotte, la Squaw. Il profita d’avoir trouver une rivière pour boire et laver son corps ensablé et salé. La salle était immense et à part la rivière, ne semblait pas avoir de sortie. Hëndor retourna alors sur ses pas, pour ne pas perdre ses repères et alla se reposer près de la sortie sous marine. Le lendemain en cherchant à manger il découvrit entre deux eaux, près de la bouche de la rivière qui venait se jeter dans l’océan, une multitude d’œufs. Il voulut en prendre un pour manger le jaune, mais découvrit bien vite qu’eux non plus n’étaient pas comestible. Il les observa alors plus attentivement et remarqua qu’il s’agissait d’œufs de Sirvienne, presque arriver à maturité, mais sans leur mère, sûrement celle qu’il avait tué, les pauvres n’avaient aucune chance de survie. Il y a des choix qui ne s’expliquent pas et qui ne s’expliqueront jamais, celui-ci en fait parti, Hëndor décida de les prendre sous son aile.
Une routine s’installait peu à peu dans la grotte de La Squaw, mais si hors du commun qu’elle ne dérangeait pas Hëndor. Ce dernier était devenu un sauvageon, il ramassait chaque jour du bois charrié par la rivière pour faire un feu, s’occupait des petites Sirviennes, explorait la grotte, l’aménageait un peu en attendant de trouver une sortie. Si bien que finalement les mois passèrent, remplacé par une année sans qu’Hëndor ne s’en rende réellement compte, perdant toute notion du temps. Les Sirviennes l’avaient adoptées et il les avait même baptisé, mais un jour, ou une nuit peut être, une autre Sirvienne arriva, bien plus vieille et expérimentée et décima la petite famille, malgré l’intervention d’Hëndor, ne laissant que trois survivants. Il en fut très affecté, les Sirviennes étant alors sa seule compagnie en plus des hallucinations qu’il avait parfois de la Squaw, offertes par son casque. Chaque jour Hëndor se forçait à allait un peu plus loin dans l’exploration de la grotte. Son feu lui avait permis de remarquer une seconde sortie, en haut de la grande salle, par où s’évadait la fumée.
Las de sa solitude malgré le nid douillet qu’il avait fini par créer il décida de laisser ses Sirviennes derrière lui et de partir explorer par cette sortie potentielle. Il prit son armure et son mal en patience et se lança dans les dix mètres d’ascension le séparant de ce nouveau tunnel. Quotidiennement depuis une année il s’entraînait à la porter, malgré son alliage angélique l’armure restait pesante, ayant beaucoup de temps devant lui il s’exerçait tantôt avec des poids de fortune, tantôt à courir, ramper, se battre, si bien qu’il avait fortement gagné en musculature, ressemblant de plus en plus à la montagne musculeuse qu’était son père. De plus il avait déjà fait cette ascension une ou deux fois, histoire de voir si il y avait une sortie accessible et l’escalade fut presque banale malgré une chute sans conséquences. Les heures s’égrenèrent, Hëndor essayant de suivre le cours d’eau qui disparaissait à certains moments, réapparaissait à d’autres, Hëndor marquant au coutelas son trajet pour ne pas se perdre. Plusieurs fois il se trouva face à un cul de sac, plusieurs fois il dût rebrousser chemin, il se sentait oppressé, les murs se rapprochaient les uns des autres, suintant d’humidité et l’angoisse. Il n’avait aucune notion du temps, mais plusieurs heures s’écoulèrent, paraissant être des journées et des nuits, avant qu’il ne parvienne à voir de la lumière au bout du tunnel, il avait perdu la rivière depuis quelques heures déjà et désespérait de trouver une sortie. Épuisé, il se précipita, manquant de trébucher à plusieurs reprises, la pente allait en s’accentuant, devenant très vite une parois qu’il fallait franchir pour atteindre l’air pur qui se faisait sentir non loin. Hëndor se reposa alors, refusant de se laisser aller à la précipitation, il laissa ses yeux se réhabituer à la lumière naturelle, prit le temps de délier ses muscles tendus par un stress extrême. Enfin, quand il se sentit prêt, il grimpa maladroitement les quelques mètres de la parois, atteignant la sortie assez étroite pour s’en extirper avec peine.
Il pleuvait se jour là et un orage menaçait de se lever. Hëndor retira son casque et laissa la pluie venir lui caresser son visage ébène qui ne l’avait pas senti depuis trop longtemps, il plissa les yeux alors qu’un éclair fusait au loin par dessus les montagnes humaines aux pieds desquelles il venait de ressurgir, un nouveau chapitre à sa légende.
Chapitre 5Une année s’était écoulée depuis son isolement prolongé dans la grotte de la Squaw. Hëndor avait repris pour gagner de l’argent, le banditisme, pillant et tuant parfois ceux qu’il croisait sur les petites routes siliriennes, non sans remord, il n’aimait pas ôter la vie, mais c’était les aléas du métier. Depuis quelques jours une envie de retourner à la grotte le tarauder, il trouvait qu’elle ferait un excellent repère pour couler des jours tranquilles et il souhaitait essayer de l’aménager. C’était avec tout un barda sur le dos qu’il s’y rendit, se repérant grâce aux marques qu’il avait laissé. Le voyage fut moins rude, mais plus long, Hëndor installant et tentant de cacher ça et là une échelle de cordes facilitant le passage. Finalement il parvint sans embûche jusqu’à la grotte et put commencer les travaux. Alors qu’il allait chercher des galets sur la plage pour égaliser le sol de la grande salle une Sirvienne bondit des eaux, tous crocs dehors, venant écraser le poitrail nu d’Hëndor. L’aventurier tenta alors de se dégager en saisissant sa lame, le souffle coupé, avant de se rendre compte qu’il s’agissait de Fl’Hypper’R grâce à son œil manquant suite à l’attaque du prédateur quelques années auparavant, la bête ne l’avait pas oublier. Il commença à retourner à l’eau avec les sirviennes comme il le faisait auparavant et très vite découvrit que Fl’Hypper’R acceptait sans trop de réticence qu’il le monte, contrairement à ses deux sœurs qui étaient plus farouches. Ses journées passaient, entre les baignades prolongée par les pouvoirs de l’anneau parfois et les travaux de la grotte.
Soudain, alors qu’il nageait avec les Sirviennes il repensa à sa carrière de bandit, se disant qu’il pouvait, à l’aide de ses créatures marine, se lancer dans la piraterie. Il prit alors le nom de Chevaucheur de Brume et écuma les bateaux marchands, usant si nécessaire du pouvoir de l‘armure, bien qu‘il n‘appréciait guère les pulsions de l‘animal totem, partant parfois en expédition dans la mer intercontinentale, bien plus fréquentée. Il accumula ainsi un nombre important d’objets précieux, certains, très rares, magiques, d’autres non et se fit un nom plusieurs années durant, s’arrêtant parfois plusieurs mois, lassé par ces combats qui lui apportaient de moins en moins de sensations. Il devait néanmoins reconnaître qu’il s’agissait là d’un excellent moyen d’accéder rapidement à la fortune et aux objets qu’il convoitait. C’est d’ailleurs ainsi qu’il trouva Asgar et Ornur, ses deux armes favorites. Un jour, près de l’archipel de Naya, un bateau elfique assez petit, à l’allure commune fut choisit par Hëndor comme cible. Hëndor avait plusieurs techniques d’attaque, l’une de ses préférées consistait à faire souffler la corne de Brume et à s’approcher du bateau soit pour monter sur le pont et neutraliser le plus de personne dans le brouillard total, soit pour faire s’éventrer le bateau sur des rochers. Cette fois-ci, jugeant le bateau assez petit, supposant son équipage restreint, il avait décidé de monter sur le pont après avoir utiliser la corne de Brouyar. Tout se passait à la perfection jusqu’à ce qu’un homme, visiblement un passager, au cou musculeux et au regard vif n’entre dans le cercle dénué de brouillard autour d’Hëndor, deux armes splendides à la main. Beuglant de rage il croisa le marteau et la lame de pierre qu’il avait dans les mains et celles-ci s’enflammèrent arrachant un hoquet de stupeur à Hëndor, les yeux brillants il savait que cette fois il ne s’était pas déplacé pour rien.
Les deux combattants se jaugèrent un instant, d’un coté le musculeux pyromane et de l’autre Hëndor, le pirate à la peau noire, encore trempé de son arrivée par les eaux. La rapière d’Hëndor était encore maculée du sang du reste de l’équipage et le bouclier fendu par un violent coup de hache d’une attaque datant d’il y a quelques semaines déjà tandis que les armes ennemies flamboyaient d’un feu surnaturelle. Les adversaires ne se dirent pas un mot, ils étaient futiles dans une telle situation, leur regard suffisait à faire comprendre qu’un seul en réchapperait vivant. Soudain, sans prévenir davantage, l’homme fonça sur Hëndor, assenant un violent coup circulaire au marteau dont l’allonge était plus grande, forçant le pirate à bondir en arrière avant que la brute ne vienne essayer d’abattre son adversaire en le fendant en deux à l’aide de l’épée qu’Hëndor esquiva à nouveau en faisant un pas de coté pour enchaîner de suite sur un coup d’estoc. Mais l’homme abattit son marteau sur la rapière, la faisant se planter dans le pont avant de venir casser la lame en l’écrasant du pied. La main d’Hëndor le lançait, la violence du coup de marteau avait fait se tendre ses muscles à l’extrême. Cela n’allait pas atteindre sa volonté de prendre les armes de l’homme, quitte à prendre sa vie par la même occasion. Il dégaina alors sa dague et si tôt que son adversaire lança un nouvel assaut vint se précipiter contre lui, se baissant pour éviter un nouveau coup circulaire. L’homme était vécu de cuir, rien de bien impénétrable et Hëndor en profita pour essayer de lui planter sa dague jusqu’à la garde sous l’aisselle, mais l’homme au cou de taureau, dans un réflexe de protection, tenta de reculer et de mettre l’un de ses bras en opposition, la lame se planta alors dans le bras, arrachant un piaillement douloureux à son adversaire qui lâcha par la même occasion le marteau que tenait sa main.
En réponse à cette agression son visage vint épouser le casque d’Hëndor dans un violent coup de tête, sonnant le pirate et le projetant en arrière, à nouveau désarmé. Il semblait que l’homme ait la tête aussi dur que la pierre car loin d’être sonné il se précipita vers Hëndor au sol qui peinait à reprendre ses esprits. Il leva son épée comme un bourreau lève sa hache et s’apprêtait à ôter la vie du Chevaucheur de brume, mais celui-ci vint lui briser le genou d’un coup de pied ravageur, le stoppant net dans sa course. Alors que son adversaire s’effondrait en gémissant de douleur, Hëndor se releva, prenant un morceau de la lame de sa rapière et s’approcha encore groggy vers l’immense colosse. Ce dernier, malgré ses gémissements n’avait pas non plus dit son dernier mot et alors qu’il paraissait amorphe sur le pont il se retourna vivement et vint saisir le pied du pirate, l’attirant à lui pour le faire chuter. Il rampa alors vers le brigand pour l’étrangler et se coucha sur lui pour l’étouffer. Hëndor commençait à suffoquer, ses veines palpitaient et la sueur coulait, bandant tous ses muscles il fit basculer l’homme sur le coté et roula sur lui-même pour s’éloigner de lui, allant buter contre le bastingage du navire désormais en proie aux flammes des armes du passager perdues dans le brouillard qui avait envahi le pont. Il se releva à nouveau, cette fois sur ses gardes et écrasa la main qui tentait à nouveau de l’attraper pour venir donner un violent cou de pied au visage barbu de l’homme, faisant craquer les os de son cou qui ne supporta pas la rotation brutale de la tête.
Vainqueur, le souffle court, le visage trempé de sueur et d’un peu de sang, la lèvre éclatée et les poumons en feu d’avoir été si brutalement privé d’air, Hëndor se précipita sur les armes, les prit avec lui d’un geste vif et s’empressa de quitter le navire, sautant sans l’ombre d’une hésitation dans l’eau caché par le brouillard, pour s’y enfoncer et disparaître à nouveau dans les profondeurs maritimes, suivi de près pas ses Sirviennes qui avaient assisté, impuissantes, au combat mortel.
ÉpilogueLes années passèrent doucement sans encombre, mais Hëndor ne parvenait plus à trouver d’objets magiques, comme si le monde était en pénurie. Il s’était retranché depuis quelques années dans le confort primitif de sa grotte, sortant en simple citoyen en ville, s’étant considérablement assagi et alors qu’il fêtait ses soixante cinq ans, confortablement affalé sur quelques peaux de bêtes, un événement vint perturber son petit quotidien. Quatre aventuriers menés par Marcel Ravidat, férus de spéléologie, s’étaient aventurés dans les dédales sombres et méandreux des souterrains menant à La Squaw, pour finalement arriver jusqu’à la grotte, venant déranger Hëndor en pleine méditation digestive. Croyant se trouver devant un brigand, un lépreux ou même un démon les cinq hommes voulurent tuer l’ancien pirate qui tout entier à sa nouvelle routine en était devenu paresseux et lent si bien qu’il faillit y laisser la vie, obligé de fuir vers la salle d’entrée par les eaux et il ne survécu que grâce à l’intervention des Sirviennes. Cette expérience lui fit se rendre compte qu’il était tombé dans ce qu’il détestait, la routine, s’enlisant dans un quotidien répétitif. Où était donc passé sa fougue d’antan ? Totalement chamboulé par une telle aventure et après s’être remis de ses blessures il décida de repartir au travers le monde, dépoussiérant son armure et ses artefact. Jusqu’à présent il n’est pas retombé dans la facilité du banditisme et de la piraterie, cherchant des défis plus grand, au service de causes plus palpitantes, pouvant lui refaire sentir le frisson de ses premières aventures.
Aujourd’hui, à l’aube de ses 74 ans, il est plus fringant que jamais, remerciant son sang elfique pour sa longévité et il fuit tout ce qui s’apparente à la routine, cherchant de nouvelles aventures et de nouveaux défis quotidiennement.